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  • Photo du rédacteurL'équipe de Clim'Adapt

Pallier aux changements dans le régime des précipitations dans un territoire agricole cambodgien

Au Cambodge, les unités administratives se découpent de la manière suivante : le pays est d’abord divisé en provinces, qui elles mêmes sont divisées en districts et/ou municipalités s’il s’agit de territoires urbanisés. Les districts et municipalités forment donc la deuxième maille du découpage territorial. Ils ont de surcroît des responsabilités équivalentes. Enfin ceux-ci sont sous divisés en communes et/ou en quartiers, puis en villages. La province de Takeo, dans le sud du pays, abrite près d’1,2 million de personnes pour une surface de 3668 km². Elle est divisée en 9 districts et 1 municipalité. Cette province a bénéficié à partir de 2011 d’un programme des nations unies intitulé Local Government for Climate Change (LGCC). Ce programme consiste en la mise en place de projets permettant d’augmenter la résilience des populations locales au changement climatique mais aussi d’inclure cette problématique au sein des planifications et des financements des gouvernements locaux. Il est à noter que les premières notifications de bouleversements liés au changements climatiques furent visibles il y a environ 7 ans, au début du projet donc.


Des territoires ciblés pour le projet au sein du maillage administratif complexe


La très grande majorité de la population de la province de Takeo est agricultrice, si bien que seulement un dixième de la population travaille dans le secteur des services. Cette répartition possède une grande importance, car les populations rurales et agricultrices sont parmies les personnes les plus exposées aux changements des conditions climatiques vis à vis de leurs activités économiques. Nous avons pu lister une partie des préoccupations actuelles du gouvernement local à ce propos, qui est particulièrement inquiet vis à vis des sécheresses, de la gestion de l’eau mais encore des perturbations autour du Mékong. En particulier 4 districts de la province sont concernés par les crues irrégulières du fleuve dans cette province, car situés à de basses altitudes. Le gouvernement local a sélectionné 2 districts et la municipalité dans la province pour ce projet, et un de ces 2 districts est concerné par les problèmes liés à la proximité du Mékong : Bourei Cholsar. L’autre district, celui de Bathi, abrite la commune de Lumpong, qui a été visitée dans le cadre du projet. Avant le projet les habitants devaient aller chercher l’eau à 1 km en partageant des sources avec d’autres villages. Les sources d’eau sont des puits qui nécessitent en général une dizaine de forages avant d’être trouvées. Dans cette commune, où les familles possèdent en moyenne entre un demi hectare et 2 hectares, 20 à 30% des villages ont accès à une eau de source. La commune a donc de grandes difficultés dans son approvisionnement en eau. Toutes ces données concernant les ressources en eau ont contribué à orienter les districts cibles pour la mise en place des étangs. 


Un vaste projet d’infrastructures de développement


Les actions entreprises dans le cadre du projet sont de 2 grandes natures : il y a celles qui sont relatives aux infrastructures, et toutes les autres qui ne le sont pas. Cela est en lien avec l’UNCDF (United Nations Capital Development Fund), qui se préoccupe particulièrement de ce secteur pour les Nations Unies. La première catégorie concerne par exemple la mise en place de routes, de constructions diverses ou de la réhabilitation d’étangs. La deuxième catégorie regroupe le reste, allant de la gestion des désastres à l’amélioration de la résilience des rizières en cas d’évènement climatique en passant par l’implantation de variétés dans le cadre de l’adaptation au changement climatique. Lors de la phase de planification, l’UNCDF avait fait une analyse de risques face aux désastres liés au changement climatique afin de sélectionner les districts/municipalités les plus pertinentes pour la mise en place des projets pilotes. Ils s’étaient par exemple appuyés sur des besoins particuliers de zones basses, avec la perspective d’y construire une route pour y circuler même en cas d’inondation. Ils avaient aussi effectué des études sur les réserves d’eau dans certains districts pour y étudier la mise en place d’étangs de stockage. Le projet est mis en place par le LGCC qui priorise les actions en fonction des problématiques liées au changement climatique, et les communes jouent le rôle de coordination uniquement.



Les actions entreprises visent aussi à renforcer la gouvernance des agriculteurs au sein du territoire. Le projet a donc comporté une première phase en 2011, et se poursuit actuellement en phase 2 depuis 2012. Les coordinateurs sont l’UNCDF ainsi que les différents maillons administratifs de la province de Takeo, comme le comité de développement rural, les conseillers en gestion de projets sur le changement climatique et de manière général tous les représentants liés au thématiques abordées par les actions variées entreprises dans le cadre de ce projet (télécommunication, finance, agriculture, urbanisme). Le coordinateur national du projet est le Comité national pour le développement démocratique sous-national (NCDD), qui est un réseau administratif national.


Entre les deux phases du projet, les politiques appliquées ont été renouvelées à l’identique avec des financements qui ont variés néanmoins. Pour la première phase l’enveloppe globale du projet était de 120000 dollars, pour près de 37400 bénéficiaires dont 18167 femmes. L’enveloppe a ensuite été réévaluée à environ 150000 dollars par an depuis la phase 2, pour un total de 66180 bénéficiaires dont 36000 femmes. Les fonds proviennent pour la majorité de fonds gouvernementaux suédois. Dans chaque district ou municipalité investis dans le projet, 3 à 4 employés sont dédiés à ce projet, et ceux-ci travaillent bien sûr ensemble au sein du Comité national pour le développement démocratique sous-national. Le nombre de projets pilotes ainsi que celui des districts et municipalités impliquées sont liés aux fonds alloués au projet. 


Un exemple de projet lié au changement climatique : Une réserve d’eau pluviale pour la saison sèche


Nous avons effectué la visite d’un étang sur la commune de Lompong (qui regroupe 12 villages), dans le district de Bathi, en présence de la majorité des acteurs concernés par la mise en place de ce projet. En 2011, lors de l’étude prospective, cette commune a en effet subi une sécheresse de 6 mois. L’eau de l’étang, gratuite, sert à des usages domestiques, pour l’eau potable après ébullition, ainsi qu’à l’irrigation des légumes du jardin attenant à la maison des agriculteurs. Les étangs répondent à des sécheresses auxquelles la commune fait face, qui entraînent des manques d’eau pour la consommation, pour l’abreuvement des animaux ou encore pour les rizières. Le transport se fait quotidiennement avec des chefs de famille qui viennent à tour de rôle chercher cette eau avec des bidons pour 3-4 familles. Un étang sert à l’usage d’environ 4 villages, pour un ensemble d’environ 800 familles, très majoritairement agricultrices. Le LGCC (Local Government for Climate Change), souhaite mettre en place une utilisation durable de cette eau vu le nombre de personnes qui dépendent de ces étangs. Un comité de gestion de l’eau a ainsi vu le jour, afin d’assurer que les agriculteurs puissent avoir une part dans la prise de décisions. Le LGCC a eu recours à 2-3 agents communaux par étang qui s’occupent de la gestion de l’eau, du nettoyage de la vase, des mauvaises herbes, de la gestion la distribution. A noter qu’une bétonisation du tour de l’étang est envisagée et souhaitée pour simplifier l’entretien des étangs. A l’heure actuelle l’étang n’est pas suffisant pour subvenir aux besoins de tous les utilisateurs. L’étang est plein en sortie de saison humide en septembre et finit complètement asséché à la fin de la saison sèche. Les habitants sont en train de chercher des fonds pour en construire un autre mais rencontrent des difficultés liées à l’accès au foncier. En effet il faut que le propriétaire du terrain accepte ou alors que ce terrain appartienne à la commune. En ce qui concerne le financement : la mise en place de cet étang a coûté près de 2000 euros et a été prise en charge grâce aux fonds alloués par l’UNCDF (30% environ) et par les autorités cambodgiennes pour le reste. L’entretien lui est réalisé aux frais de la commune au travers des agents communaux.


Un autre investissement dans le premier secteur d’activité de la région : la riziculture



Nous avons également eu l’occasion de rencontrer un autre aménagement réalisé dans le cadre de ce projet. Il s’agit de canaux d'irrigation à destination de la production rizicole sur une commune voisine, construits en 2015. De 165 m de long pour 5 m de large, les deux sources d’eau utilisées sont pour l’une liée au réseau du Mékong, et pour l’autre à un lac de taille importante. Il vise à assurer une irrigation même en saison sèche, voire en cas de sécheresse. Comme dans la commune précédemment étudiée, les agriculteurs effectuaient à l’origine 1 récolte par an. Avec ce nouvel aménagement, les agriculteurs de cette commune récoltent 3 fois par an sur les parcelles de riz. Cette augmentation du nombre de récoltes a aussi été permis grâce à des semences à cycle court (3-4 mois contre 6 pour les anciennes) achetées auprès de l’IRRI (International Rice Research Institute) en 2013. Le département d’agriculture avait alors choisi les agriculteurs cibles afin de démontrer l’utilité de ces nouvelles semences et de les promouvoir. Mais celles-ci nécessitent des fertilisants chimiques et des pesticides que ces agriculteurs n’utilisaient pas auparavant. Aujourd’hui ils gagnent plus d’argent grâce à la multiplication de leurs récoltes et ce malgré la nouvelle utilisation d’intrants coûteux pour ces variétés. Un comité de gestion de l’eau veille à la répartition de l’eau des canaux afin d’éviter les conflits, et les utilisateurs gèrent eux même les vannes pour accéder aux pompes qui servent à pallier le léger dénivelé entre le canal encaissé et certaines parcelles surélevées. Le coût de financement de ces canaux d’irrigation s’élève à 20000 euros environ et est le résultat d’un cofinancement entre les fonds alloués par l’UNCDF en provenance de fonds suédois (30%) ainsi que de fonds gouvernementaux cambodgiens.


Conclusion : Ce vaste programme mis en place par l'administration cambodgienne en collaboration avec le Fond d’équipement des Nations Unies a permis la réalisation concrète d’un certain nombre d’actions de développement reprises par des gouvernements locaux sélectionnés. Les populations des districts et municipalités choisies font face à une série de difficultés liées au conditions du milieu et aux risques naturels. Les actions que nous avons étudiées, liées aux conséquences du changement climatique, essaient de pallier à des difficultés historiques dans la gestion de l’eau, en particulier lors de la saison sèche. Les habitants semblent satisfaits de ces ouvrages, et la gestion de l’eau ne pose a priori pas de problèmes. Les étangs ont été sous dimensionnés car une partie des besoins des populations semble ne pas encore être satisfaite.


Avis : La prise en compte du changement climatique semble être apparue au cours de la mise en place de ce projet, tenu par le fonds des Nations Unies en charge du développement. La mise en place s’est appuyée sur la verticalité administrative cambodgienne, avec des décisions prises par le gouvernement provincial sur des actions communales à l’aide des strates d’agents administratifs ce qui semble fonctionner dans une certaine mesure. Les solutions mises en place sont à étudier séparément, bien qu’elles soient censées être complémentaires à l’échelle du territoire. L’introduction de variétés à cycle court à fort potentiel de rendement dans une région aussi sensible aux sécheresses, à grand renfort d’irrigation et d’intrants chimiques semble être une solution non durable, et enferme les agriculteurs dans des dépendances économiques et climatiques problématiques. Quant aux étangs, cette solution palliative semble être intéressante car elle sert avant tout à l’approvisionnement domestique. Cette initiative serait à étudier de plus près pour en cerner les véritables impacts dans le cadre d’une adaptation durable au changement climatique. Enfin les infrastructures routières qui servent à circuler en cas de crue par exemple ne sont pas véritablement liées au changement climatique dans la réflexion de leur mise en place, et cela semble avoir été un argument pour l’aide au développement.



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