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  • Photo du rédacteurL'équipe de Clim'Adapt

Rendre résilient la Grande barrière de Corail : un défi d’aujourd’hui pour demain

Au nord-est de l'Australie, à quelques kilomètres de la côte se trouve une formation biologique visible de l'espace : la Grande Barrière de corail. Réservoir d'une immense biodiversité, elle est de plus en plus soumise à des conditions climatiques qui la déstabilisent. L'augmentation de la température, l'acidification de l'eau et la prolifération des prédateurs sont autant de défis à relever pour rendre la Grande Barrière de corail résiliente. Le Reef Restoration and Adaptation Program (RRAP), un consortium de plus de 100 experts du monde entier, dirigé par l'Australian Institute of Marine Science (AIMS), s'est fixé le défi suivant : trouver des moyens de rendre la Grande Barrière de corail résiliente aux modifications du climat et ainsi sauver un écosystème primordial.

Le blanchiment des coraux, une préoccupation majeure


Les coraux représentent 0,5 % de la surface marine mais constituent néanmoins le réservoir de 25 % des espèces marines connues. La Grande Barrière de Corail est la plus grande manifestation de cet écosystème unique et extrêmement fragile. En effet, l'augmentation de la pression exercée sur les coraux est particulièrement visible depuis les années 1980. La fréquence des épisodes de blanchissement des coraux, première étape avant la mort de ceux-ci, a été multipliée par 10 en 30 ans[1], ce qui suscite une inquiétude mondiale quant à leur disparition, avec des épisodes tous les 3 ans de nos jours. Ces phénomènes ne se limitent plus aux épisodes El Niño, qui font augmenter les températures dans la région tous les 5 ans environ. Pire, même lorsque les températures sont plus basses que la normale, durant La Nina, des épisodes de blanchiment ont maintenant lieux[1].


La Grande Barrière de corail a connu le pire épisode de blanchissement de son histoire en 2016, puis de nouveau en 2017, avec plus de 90% des coraux affectés et finalement 30% des coraux définitivement blanchis [2]. Le corail meurt lorsque l'association avec les microalgues est rompue et avec seulement 0,5°C de plus pour les eaux environnantes, l'algue est expulsée et donc le squelette blanc du corail apparaît.


La mission de l’AIMS


Créée en 1972 en tant qu'agence d'exploration de la Grande Barrière de corail et sa biodiversité, elle s'est concentrée ces dernières années sur la surveillance et la compréhension des changements dans les écosystèmes marins australiens tels que le récif.


Le simulateur national de mer de l'AIMS (SeaSim) est un aquarium de recherche marine de classe mondiale pour les organismes marins tropicaux dans lequel des scientifiques australiens et internationaux peuvent étudier l'impact de changements environnementaux complexes au moyen de grandes expériences à long terme.


En janvier 2018, le gouvernement australien a fourni 6 millions de dollars pour établir le Reef Restoration and Adaptation Program (RRAP), dirigé par l’AIMS.

Pendant 18 mois, le RRAP a mené l'enquête la plus rigoureuse et la plus complète au monde sur l'intervention récifale à moyenne et grande échelle, faisant appel à plus de 150 experts de plus de 20 organisations à travers le monde. L'objectif : étudier la faisabilité d'une intervention à grande échelle sur la Grande Barrière de corail pour l'aider à s'adapter aux effets du changement climatique et à s'en remettre.


L'étude, qui sera bientôt présentée au gouvernement australien, a conclu qu'une intervention réussie était possible et pourrait doubler la probabilité de maintenir le récif en bon état d'ici 2050. Mais le temps nous est compté : plus nous attendons, plus il serait coûteux et difficile d'intervenir avec succès à n'importe quelle échelle, et plus la fenêtre d'opportunité risque de se fermer.


L'étude de faisabilité du RRAP a révélé qu'il n'y avait pas de solution miracle, mais qu'il fallait plutôt une gamme de méthodes pour travailler ensemble afin d'obtenir des avantages composés, ainsi que des pratiques exemplaires continues de gestion des récifs et de réduction des émissions. Il recommande un programme de recherche et développement de 10 ans pour créer une série de méthodes visant à protéger le récif, à aider les coraux à s'adapter à l'environnement changeant et à restaurer les récifs endommagés.


Ces interventions correspondent à des combinaisons de variables qui tiennent compte des conditions climatiques données par les rapports du GIEC pour les prévisions 2050 et 2075. Ces mesures devraient être combinées avec les meilleures pratiques de gestion conventionnelle des récifs et une réduction des émissions de carbone afin d'en maximiser l'efficacité.


Quelques exemples possibles qui ont été identifiés pour des recherches et évaluations des risques plus poussées, voire la possibilité d’un développement :

- L'industrialisation de l'élevage des coraux pour atteindre les 100 millions de coraux plantés survivants par an. Cette solution nécessite une coopération internationale et un budget important.


- L'identification des coraux naturellement plus résistants à la chaleur, par exemple. Cela retarderait de quelques années les prévisions de mortalité corallienne.


- Le croisement d'espèces coralliennes pour trouver de nouvelles variétés qui peuvent potentiellement exprimer des adaptations dans des conditions extrêmes.



- L’ « éclaircissement des nuages marins » : pulvérisation de gouttelettes d'eau de mer microscopiques dans l'air pour créer un brouillard léger qui dévie les photons et la lumière du soleil, refroidissant et ombrageant ainsi de grandes zones de récifs. C'est en fait l'une des techniques les plus prometteuses pour protéger de vastes zones de récifs.


Les solutions peuvent être à différentes échelles : à l'échelle locale, c'est-à-dire quelques dizaines de récifs - 1 à 10 millions de coraux survivants par an - ou à grande échelle, c'est-à-dire la totalité du récif corallien. L'objectif des pistes qui seront retenues sera de rendre les coraux résilients à long terme au changement climatique et non seulement à leur restauration après des épisodes de blanchissement.


SEA-SIM, un des aquariums les plus perfectionnés au monde


SeaSim est un laboratoire de recherche sur les coraux qui peut simuler des conditions climatiques spécifiques. Il dispose d'installations pour la conservation et la propagation à long terme, permettant des études multigénérationnelles, qui sont essentielles pour comprendre comment les organismes marins s'acclimatent et s'adaptent à un environnement en évolution.


Les conditions des milieux sont modifiées en fonction de plusieurs critères : température, salinité et acidité de l'eau, mais aussi présence d'éléments chimiques potentiellement perturbateurs. Cela permet de tester la résistance des coraux en conditions réelles. Les conditions sont modélisées à partir des différents scénarios fournis par le GIEC. Une vingtaine d'espèces de coraux sont présentes dans les laboratoires SeaSim.


Ces coraux sont collectés in situ après avoir obtenu des permis de la Great Barrier Reef Marine Park Authority. Pendant le transport, la plupart des coraux subissent un stress et un blanchiment. Lors de leur arrivée à SEA-SIM, ils sont donc mis en récupération dans des aquariums aux conditions climatiques idéales. Ces coraux sont ensuite placés dans des conditions particulières d'étude.


Les coraux sont scientifiquement intéressants parce qu'ils sont indépendants et donc en sectionnant une partie, nous obtenons un clone qui servira de témoin à l'expérience.



Les moyens mis à disposition


Dans leur recherche, ils sont assistés par une unité mécanique, située au centre de Townsville, qui dispose des outils nécessaires pour concevoir des pièces sur mesure mais aussi pour créer de nouvelles pièces commandées par les chercheurs pour leurs études de terrain.



Pour connaître l'évolution des coraux sur une grande échelle de temps, ils font des forages et en étudient les rainures. Ainsi, on peut constater par l'alternance des rainures la croissance des coraux, la salinité des eaux en les mettant en évidence par des rayons X, l'augmentation de la température lors des épisodes de blanchiment et la composition chimique passée des eaux grâce à l'identification des isotopes. Ces noyaux mettent en évidence la fréquence accrue des épisodes de stress et donc l'urgence de la tâche de l'AIMS.


Conclusion :


Sous l'impulsion des politiques publiques, le travail du Reef Restoration and Adaptation Program de l'Australie concerne la planète entière. Sauver cet écosystème, qui s'étend sur plus de 2300 km et est si riche en biodiversité, coûtera certainement des milliards de dollars. Ce coût est à mettre en relief par la manne financière qu’il représente. Une étude réalisée en 2016, parlait pour l’ensemble des coraux mondiaux à une fourchette de recettes entre 24 et 310 milliards d’euros par an, en grande partie dû au tourisme écologique. [2] L’un dans l’autre il reste profitable de sauver ces puits de biodiversité, alimentant une économie positive. Pour de plus amples renseignements sur le Programme de restauration et d'adaptation des récifs coralliens : www.reefrestoration.org





Sources :


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