Le Vietnam compte parmi les 30 pays extrêmement exposés aux risques d'après l'index de vulnérabilité face au changement climatique[1]. A l'heure actuelle l’augmentation de la fréquence des typhons ainsi que leur imprédictibilité sont les principales préoccupations qui planent sur les 3260 kilomètres de côtes de ce pays qui compte presque 100 millions d'habitants.
Nous avons rencontré le projet ‘’Improve coastal resilience’’ qui concerne 100 communes côtières du centre du Vietnam, avec la ville de Hue comme point central. Il se scinde en 3 actions distinctes mais complémentaires. La première concerne le logement et a pour objectif de bénéficier à 20 000 personnes pauvres et exposées aux désastres climatiques. La deuxième concerne la régénération des mangroves agissant comme zones tampons contre ces mêmes désastres. Enfin la troisième concerne l'amélioration de l'accès aux données climatiques afin de pouvoir anticiper les problèmes à venir. Les habitants sont principalement des agriculteurs et des pêcheurs.
Un territoire déjà affecté par la montée des eaux et les évènements violents
Le projet a vu le jour peu après le typhon Haiyan qui a touché l'Asie du Sud Est en novembre 2013. Il existait déjà un projet gouvernemental comportant plusieurs piliers sur la résilience côtière, mais son efficacité n’était pas bonne, avec pour preuve la survie de seulement 50% des surfaces plantées de mangroves. Celui-ci était axé sur la résilience en cas de tempêtes, avec un programme sur le logement ainsi que des plantations dans les mangroves.
Après une visite diplomatique aux Philippines, largement touchées par le typhon, les autorités vietnamiennes se sont rendues compte des faiblesses de leur premier programme. Elles se sont alors demandées ce qu'il serait advenu si la catastrophe avait touché le Vietnam. De là le gouvernement a lancé le projet : « Improving the resilience of vulnerable coastal communities to climate change related impacts in Vietnam ». Le nouveau projet se base sur la collaboration actée en 2014 entre le gouvernement via un Green Climate Fund (GCF) dépendant du Ministère de la Planification et de l’Investissement (MPI), et le Programme des Nations Unies pour le Développement (UNDP) au Vietnam. Cette dernière entité joue plutôt un rôle d’appui technique, et tous deux sont impliqués dans la gestion du projet. L’UNDP a aussi œuvré à professionnaliser le projet avec entre autres l’instauration de nouvelles pratiques : croiser plus de données dans les décisions, apport de connaissances scientifiques plus larges et surtout des apports de moyens.
Leurs techniques ont été inscrites dans le fonctionnement et transmises aux acteurs locaux. La collaboration ancienne des deux entités du projet a facilité la mise en place, notamment au niveau administratif où les nombreuses autorisations nécessaires au travail de l’UNDP ont été délivrées facilement.
Un programme fédérant des initiatives morcelées sur l'urbanisme côtier
Grâce au premier programme du gouvernement vietnamien, les actions ont été largement facilitées. Des villages pilotes existaient déjà sur les côtes, qu’il ne restait plus qu’à connecter entre eux. Les pratiques fonctionnelles ont été répliquées à la lumière des données de l’UNDP sur le changement climatique ainsi que les cartes de prévision des risques côtiers. La mise en route du projet a été grandement fluidifiée en cela. L’aspect le plus difficile venait du fait que la gestion des initiatives initiales était très segmentée à cause du cloisonnement fort qui existe entre les ministères vietnamiens. La mise en commun a parfois été ralentie car beaucoup de personnes n’étaient pas au courant des actions d’autres gestionnaires.
Il existe une grande variété dans les villages sélectionnés sur le volet des logements. Néanmoins, tous les villageois remplissent un certain nombre de critères qui leur permettent de recevoir l’aide de l’UNDP. Il faut que le village soit dans une situation préoccupante au niveau des risques côtiers (rouge) selon la carte de prévention des risques mise en place par l’UNDP. Ensuite à titres individuels il est requis que les villageois soient sur la liste des personnes en situation de vulnérabilité ou de pauvreté. De plus, il faut que leurs maisons souffrent en particulier de problèmes d’architecture. Enfin les personnes membres d’une minorité et ou les personnes âgées peuvent aussi profiter du programme. Grâce au projet, aucune nouvelle maison n’a été construite dans les zones rouges de la carte de prévention des risques.
Aucun déplacement de population n’a lieu, par conséquent si des maisons se trouvent dans ces zones elles sont éligibles à une rénovation. Tant qu’il reste des maisons non conformes aux critères de l’UNDP dans un village sélectionné, le projet n’est pas considéré comme terminé. Il y a ainsi stricte égalité entre les habitants sélectionnés. L'architecture des nouvelles maisons est basée sur un même modèle adapté aux inondations et à la montée des eaux : une construction en mezzanine sur pilotis surélevée de 3 mètres de haut, le tout avec des matériaux résistants comme le métal pour le plancher. Chaque rénovation est estimée à environ 2 000 $. Il n’y a pas de prise en compte de main d'œuvre ouvrière dans la rénovation des maisons, les personnes du ménage qui peuvent participer aux travaux doivent le faire. A noter qu'il est interdit de vendre sa maison après construction.
Une composante végétale non négligée dans l'adaptation
Historiquement, les mangroves étaient très abondantes dans les régions visées par le projet. Mais celles-ci étaient très sensibles aux variations de températures, de l’ordre d’un demi degré supplémentaire ou manquant. Elles étaient de plus fragilisées par les déboisements, ainsi que par les pratiques d'élevage et de pêche. Leurs surfaces avaient par conséquent fortement diminué au cours des 30 dernières années. Le projet se concentre sur les littoraux les plus vulnérables où les forêts sont les plus clairsemées. Un mix d’espèces est choisi en fonction des données climato-géographiques par des experts consultants externes. Ainsi 18 espèces sont aujourd’hui plantées dans le cadre de cette initiative. Le premier projet gouvernemental possédait comme énoncé plus haut un taux de survie des arbres de 50% après plantation, il est désormais de 80-90% grâce aux techniques apportées par l’UNDP.
Un programme national aux financements variés
Sur l'aspect décisionnel, les populations prennent part au projet sous la forme de contrats avec l'Etat en tant qu’associations, petites entreprises ou autres. Sur la petite centaine de personnes travaillant à l'UNDP Vietnam, 3 personnes travaillent sur le projet. In fine, les gouvernements régionaux gèrent le projet localement. Le budget de ce projet dépend de beaucoup de cofinancements et de financements croisés. Il s'élève à 40,5 millions de dollars (pour tout le projet), avec 20 millions pour la partie logement, 13 millions pour les mangroves et enfin 7,5 millions pour l'accès aux données climatiques[3]. Les financements directs du GCF couvrent 73% de cette somme, le reste sont des cofinancements venant de différents ministères ainsi que l'UNDP (4% de la somme totale)[2]. Aucune entreprise étrangère ne finance ce projet.
La population apparaît satisfaite de ce programme lorsqu'il lui vient en aide. Les conflits notables concernent l'agrandissement de l'étendue des mangroves, qui entre en concurrence avec l'aquaculture de crevettes ou de crabes. Dans ces cas, les gestionnaires apportent des propositions d'alternatives à ces activités et promeuvent une pêche durable ce qui n'est pas toujours le cas à l'heure actuelle.
Sources :
[4] http://floodlist.com/asia/vietnam-and-un-to-build-storm-proof-housing-for-coastal-communities
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